État policier

Le contrôle du gouvernement chinois sur les Ouïghours n'est pas seulement physique, mais aussi digital. Le Turkistan oriental est désormais sous la surveillance gouvernementale la plus intense au monde. Pékin utilise une technologie de surveillance et d'autres méthodes de surveillance de masse qu'il appelle « smart policing » comme moyen de réprimer les Ouïghours au Turkistan oriental et de contrôler de près chacun de leurs mouvements.

Le budget consacré à la sécurité publique et aux technologies de surveillance les plus récentes a considérablement augmenté au cours des dernières années. La région est saturée de caméras de reconnaissance faciale et caméras reconnaissant les plaques d'immatriculation afin de suivre les mouvements des Ouïghours et afficher les informations personnelles des individus. En outre, des dizaines de milliers de policiers ont été recrutés au Turkistan oriental, et des milliers de nouveaux postes de police et postes de contrôle de sécurité ont été mis en place dans toute la région. Des machines appelées « data doors » sont situées à certains points de contrôle [1]. Ces machines collectent des informations à partir des téléphones portables ou des appareils électroniques de la personne passant le poste de contrôle à son insu [2]. Les couteaux et les portes d'entrée des Ouïghours sont gravés de codes QR que les autorités peuvent scanner avec une application mobile afin de lier immédiatement la maison et les biens à leurs propriétaires [3]. En outre, les données biométriques des Ouïghours, notamment des informations ADN, des échantillons de sang, des analyses d'iris et des échantillons de voix, sont également collectées par les autorités chinoises.

Dans la ville de Kashgar, où environ 85% de la population est ouïghoure, environ 68 milliards d'enregistrements ont été tirés à la fin de 2017. « En février 2019, le chercheur néerlandais en cybersécurité, Victor Gevers, a découvert une base de données en ligne gérée par la société chinoise de reconnaissance faciale SenseNets qui a compilé des informations en temps réel sur les mouvements de plus de 2,5 millions d'individus au [Turkistan oriental], enregistrant plus de 6,7 millions de coordonnées sur une période de 24 heures. Gevers a par conséquent affirmé que la base de données était utilisée pour surveiller les musulmans ouïghours » (traduction libre) [4]. À titre de comparaison, en fin 2018, environ 19 millions de dossiers étaient contenus dans le système national de vérification instantanée des antécédents criminels du F.B.I. [5].

Afin de compiler et d'analyser l'énorme quantité de données sur chaque individu collectées grâce à la surveillance de masse, le gouvernement chinois utilise un système central connu sous le nom de plate-forme d'opérations interarmées intégrée (IJOP) [6]. Avec cet outil, les autorités détectent alors les Ouïghours et les autres populations ethniques non-Han avec des comportements « anormaux », et les ciblent pour différents types de restrictions voire pour des détentions dans des camps de concentration. Même les comportements légaux ordinaires détectés par l'IJOP, tels que l'utilisation d'une quantité « inhabituelle » d'électricité un jour donné, par exemple, sont considérés comme étant suspicieux par les autorités chinoises. Un autre exemple qui peut éveiller les soupçons du gouvernement est simplement de quitter sa maison par la porte de derrière au lieu de la porte de devant.

Cette surveillance de masse affecte non seulement les Ouïghours du Turkistan oriental, mais aussi leur famille et leurs amis vivant à l'étranger. Leur seul moyen de communication est via une application chinoise appelée WeChat, qui est également étroitement surveillée par le gouvernement chinois. Le journal Wired l'explique bien : « Pour les Ouïghours [au Turkistan oriental], tout type de contact à partir d'un numéro de téléphone non chinois, même s'il n'est pas officiellement illégal, peut entraîner une arrestation instantanée. La plupart des Ouïghours [à l'étranger] ont été supprimés par leurs familles sur les réseaux sociaux. Et beaucoup n'oseraient pas essayer de prendre contact, de peur que les autorités chinoises ne punissent leurs proches. Ce n'est qu'une des façons dont le gouvernement du président Xi Jinping maintient un réseau de surveillance étroitement contrôlé sur les Ouïghours [au Turkistan oriental], et cela a un effet de chaîne sur les Ouïghours vivant partout dans le monde » (traduction libre) [7].

 

 

Références

[1] Roth, K., Wang, M. (2019, August 16). Data Leviathan: China’s Burgeoning Surveillance State. Récupéré de https://www.hrw.org/news/2019/08/16/data-leviathan-chinas-burgeoning-surveillance-state

[2] Ibid

[3] Ibid

[4] Récupéré de https://www.cecc.gov/sites/chinacommission.house.gov/files/documents/2019AR_XINJIANG.pdf

[5]  Buckley, C., Mozur, P. (2019, May 22). How China Uses High-Tech Surveillance to Subdue Minorities. Récupéré de https://www.nytimes.com/2019/05/22/world/asia/china-surveillance-xinjiang.html

[6] Ibid

[7] Cockerell, I. (2019, May 9). Inside China's Massive Surveillance Operation. Récupéré de https://www.wired.com/story/inside-chinas-massive-surveillance-operation/

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